Le Judō

"On ne juge pas un homme sur le nombre de fois qu'il tombe mais sur le nombre de fois qu'il se relève." 

Jigoro Kanō Senseï, Fondateur du Judō.

Jigorō Kanō (1860-1938)
Jigorō Kanō (1860-1938)

Jigoro Kanō,

Collégien puis étudiant brillant, il s'intéressa de près à la culture occidentale. Jigorō Kanō arriva à Tokyo en 1871 où il suivit de brillantes études à la faculté des sciences politiques et des lettres. N'étant pas doté par la nature d'une musculature impressionnante, il commença par s'essayer à l'athlétisme, au tennis, au baseball mais il n'y trouva pas ce qu'il recherchait. Il apprit alors quelques rudiments de ju-jitsu, auprès de maître Masamoto Iso, pour résister aux brimades de ses camarades physiquement plus forts que lui. Très appliqué, persévérant et soucieux de techniques, il maîtrise rapidement plusieurs styles de ju-jitsu (incluant ceux des koryu Kito Ryu et Tenjin Shin'yo Ryu) qu'il commence à étudier en 1877, sous la tutelle de trois maîtres successifs : Hachinosuke Fukuda, Masamoto Iso et Tsunetoshi Iikubo. C'est en 1882 qu'il fonde le Kodokan, Bâtiment pour l'Enseignement de la Voie fondée sur les principes des sports modernes dans le temple Eishoji à Tokyo.

1868, année terrible pour les arts martiaux (restauration de l'empereur Meiji) car le Japon s'ouvrait à toutes les influances étrangères et rejetait ses propres traditions. Les arts du Budō perdirent tout prestige dans leur propre pays, supplantés par la vague de modernisme, et beaucoup d'écoles de ju-jutsu disparurent. Les derniers maîtres survécurent difficilement, totalement abandonnés.


Ce fut en ces temps difficiles que grandit Jigoro Kanō. Son rôle ne se borna pas seulement à réaliser une synthèse cohérente des vieilles techniques oubliées de ju-jutsu ; il posa définitivement l'idée que les possibilités de l'art martial dépassaient largement le plan physique et que ce qu'il appelait alors "Judō" (le suffixe "dō", la voie remplaçant définitivement celui de "jutsu", la technique) pouvait être un fantastique moyen de développement moral pour l'individu d'abord, pour la société tout entière ensuite. C'est cet idéal élevé qui sauvera le vieil art martial de l'oubli.

temple bouddhique d'Eisho-ji (1882)
temple bouddhique d'Eisho-ji (1882)

Dès février 1882, il crée le Judō du Kodokan (Judō de "l'institut du Grand Principe") et ouvre son premier dojo dans le petit temple bouddhique d'Eisho-ji, avec 9 disciples évoluant sur 12 tatamis. Le Kodokan déménagea plusieurs fois.

 

Ce fut entre 1886 et 1889, au dojo du Fujimi-Cho, à Tokyo, que la suprématie du Judō du Kodokan allait définitivement s'établir après, notamment, le grand tournoi entre le Judō et des combattants Yoshin-ruy-ju-jutsu (Ecole du coeur de saule, créée par Shirohei Akiyama, dont la base était le principe du Nage-Waza, le principe de la souplesse*) qui vit l'écrasante défaite de ce dernier (ce point reste sujet à discution, une version contradictoire existe). Ce fut également dans cette même période que la véritable fusion des vieilles techniques s'établit sous l'impulsion de Kanō qui modifia certaines techniques à la lumière de ses premières expériences et avec l'aide de ses premiers disciples.

Uki goshi, parJigoro Kano Senseï
Uki goshi, parJigoro Kano Senseï

Le nouveau Judō fut débarrassé de l'esprit féodal des anciennes écoles de ju-jutsu, les vieilles techniques furent examinées scientifiquement et un nouveau système d'entraînement fut organisé. De rigoureuses éliminations et sélections furent faites, en bannissant de la nouvelle méthode, qui ne voulait retenir que le point de vue éducatif, tout ce qui pouvait être dangereux à l'entraînement. Ainsi l'atémi-waza fut pratiquement éliminé au profit des projections et des immobilisations, qui pouvaient s'employer en assaut sportif.


A partir de 1905, après la victoire du Japon sur la Russie, l'intérêt pour les choses venant de l'étranger déclinait et le nationalisme reparut : le Judō profita de ce renouveau des traditions nippones. Les Universités puis les écoles l'enseignèrent. Le Kodokan n'eut plus l'exclusivité d'un sport revenu à la mode (ses grands rivaux furent, avant 1940, le Butokukai de Kyoto et le Kosen, qui pratiquaient davantage le Judō au sol et dont l'efficacité était certaine) mais Kanō poursuivait l'expansion d'un art martial dont il fut le premier à réaffirmer l'intérêt, au cours de plusieurs voyages à travers l'Europe et les Etats-Unis, jusqu'à sa mort en 1938. Ses neuf premiers élèves de 1882 devinrent 100 en 1886, 600 en 1889 et se comptent aujourd'hui par plusieurs millions rien qu'au Japon.

*Le terme "souplesse" est à prendre au sens de "non-résistance" ou "adaptation". Le principe est de ne pas chercher à résister à ce que cherche à faire le partenaire/adversaire mais à céder afin d'utiliser sa force pour soi. Ce principe aurait été inspiré par l'observation de la végétation sous la neige, en constatant que "c'est en pliant que la souple branche de cerisier se débarrasse de l'adversaire hivernal dont le poids brise les branches rigides".